21 décembre 2020

Anecdote de cette fin de matinée à la librairie que je vous relate en milieu de soirée, en ce moment on fait un peu comme on peut, on commence un truc hier et on le termine la semaine prochaine, faut dire que c’est pas tous les jours dimanche et de toute façon, même le dimanche c’est pas relâche. 

Bref, c’était ce matin, et le temps était à l’orage :

« Rhooo mais je sais pas, tu me dis de prendre pour l’un pour l’autre pour l’un pour l’autre pour l’un… (oui bon c’est bon on a compris) t’arrêtes pas de me dire de réfléchir mais pour Cedric t’as quelque chose ? 

– Oh mais tu m’énerves je t’ai dit que je lui donnais la leeeeettre… »

Enfin non. 

C’est pas exactement comme ça que ça c’est passé. 

Il faut que je vous rapporte les événements de la manière la plus juste parce que sinon vous finirez par ne plus me croire. 

Donc elle lui répond :

« (En serrant les dents hyper fort, tellement fort que je pense qu’elle va faire sauter ses plombages) Oh mais tu m’énneeeeerves JE – T’Ai – DIT- QUE – JE – LUI – DO – NNAIS – LA LEEEEEEEEEETTRE…

– Oui mais tu m’a pas dit ce que tu prenais pour Cedric, mais alors tu prends rien pour Cedric ? Parce que là tu me demandes de trouver pour tout le monde mais tu m’as pas dit pour Cedric… »

Je crois qu’elle fume des oreilles. Pourtant elle a un bandeau en laine mais je suis sûre d’avoir vu un truc qui sortait. C’est l’enfer pour elle Noël, elle va craquer je la vois bien finir comme ça cette matinée qui avait pourtant commencé tout en douceur, j’imagine, avec un dej trois tartines beurre confiture et un grand café (pas à La Buvette, oui on sait, c’est fermé), et puis ensuite ils ont eu l’idée de venir se pourrir la vie à la Librairie c’est dingue qu’il faille toujours que ça tombe sur moi ces histoires là. J’en suis gênée pour les autres Père Noël du moment. Ceci dit, la boutique se vide peu à peu et ils restent tous les deux, peinards pour se pourrir la vie (la leur, et la mienne par la même occas…)

« … Tiens t’as qu’à regarder là pour les ptites. Comme ça, ça t’occupe. »

Ça y est, elle l’a casé devant les lectures CP/CE1 et c’est vers moi qu’elle s’avance d’un pas décidé. Je me prépare à m’en prendre une, je vois bien qu’elle n’a pas encore desserré les dents je sais même pas s’il lui en reste encore. 

Et alors là, elle me chuchote un truc à travers son masque que j’ose même pas lui demander de répéter mais j’ai tellement rien entendu que ça m’paralyse je sais pas comment m’en sortir. 

Heureusement, Dents Serrées a plus d’un tour dans son sac et ce n’est pas les réactions (encore moins l’absence de réactions de l’autre) qui l’arrêtent. Elle me fait signe de la suivre comme si on partait en planque pour le casse du siècle toutes les deux. Je vous jure, je commence à transpirer tellement ça me ravit pas cette idée. Mais je peux difficilement esquiver alors je la suis vers les carnets et les cahiers de Gwenaëlle-Annaick Trolez. Elle me montre un cahier et avec ces mains, elle en cache la moitié en hauteur, la moitié en largeur, et elle me fait un signe interrogatif du menton. Si j’avais pas une grande pratique des films noir et blanc de Charlie Chaplin, je suis pas sûre que j’aurais compris. Parce que c’est ça l’idée, faut pas qu’on parle. Elle a décidé de lui faire un cadeau la bougresse. 

A lui. 

Diiiiingue. 

Elle le lapide sur la place publique depuis une heure mais elle va lui faire une surprise le soir de Noël. 

Tout est possible. 

Bref. 

Je lui trouve son carnet format moitié moins en large et moitié moins en long et elle est heureuse comme un Pape dis donc, je vois même la joie dans ses yeux j’aurais jamais cru que c’était possible. Mais faut faire court, l’autre se ramène, il a trouvé un livre pour les ptites, il est pas du genre à botter en touche quand Dents Serrées exige. 

« Bon alors qu’est ce que t’as trouvé ?! »

La prise d’initiatives a ses limites, on l’aura compris…

Elle regarde quand même, avec indifférence mais elle regarde. Et puis tout aussi vite, elle s’en désintéresse et me pose tout sur le comptoir pour des paquets cadeaux. Elle a pris soin de planquer le carnet sous sa pile. Elle lui demande de regarder Albigny parce qu’ « il est beau tu trouves pas ? » tout en me faisant le clin d’œil du siècle que j’crois qu’elle remet ça avec l’attaque de la Banque Centrale à la dynamite, les premières suées réapparaissent sous mes aisselles, « Mais non », j’me dis, « calme toi ma vieille, faut juste que tu lui emballes son carnet fissa, le temps qu’il regarde ailleurs » alors jsuis tellement soulagée que j’la regarde et sur le même ton complice, je lui dis tout haut :

« On fait la paire toutes les deux, hein !! »

A cet instant là, Bonnie et Clyde à côté de nous, c’était des enfants de cœur.

Publié dans
dans les archives