Depuis deux mois, peut être quelques jours de plus, je trépigne avec ce secret. Je ne sais pas les garder -c’en est un pour personne- surtout lorsqu’il s’agit d’une histoire d’amour, vous êtes bien placés pour le savoir.
Là, j’ai tenu un peu parce qu’il est question de la mienne, d’histoire d’amour. C’est toujours difficile de parler de soi.
Mais depuis deux mois, peut être quelques jours de plus, je ne pense qu’à cet homme. Je suis comme envoûtée. Je ne sais rien de lui, enfin pas grand chose, je ne l’ai même jamais vu. Je voudrais vous dire que nous allons nous rencontrer mais ce serait mentir. Parce que c’est toujours comme ça quand vous tombez amoureuse de l’homme dont on parle dans un roman. Vous êtes dingue de lui, il vous charme à mort, mais quand vous refermez le roman, il redevient littérature. Alors le rencontrer, il faut se rendre à l’évidence, c’est pas prévu au programme.
Et pourtant depuis ces deux mois, peut être quelques jours de plus, cet homme s’installe en moi.
Il s’appelle Eliot. Avec un seul « l ». Architecte à New York, des mains qui caressent la pierre de petits gestes doux, un peu taiseux, la peau brunie par le soleil, il me dit qu’un jour la souffrance s’adoucit, qu’on pense à elle moins souvent. Et moi je le crois.
« – Je t’aime, dit-il soudain à voix haute. Je t’aime infiniment. »
Ce roman n’est pas un roman. Il est mon roman préféré de cette rentrée littéraire 2016.
L’enfant qui mesurait le monde.
Metin Arditi
Éditions Grasset.
À paraître le 24 août…